Déferlantes pt.2
Focus sur celles qui bouleversent le rap
Bien trop souvent reléguées aux marges, les artistes féminines sont généralement invisibilisées par une culture dominée par d’autres schémas. Leur absence dans les médias, les playlists ou encore les scènes et festivals témoigne d’un système qui peine à reconnaître leur contribution créative et leur impact sur la culture musicale. Il est temps de briser ces frontières et de leur accorder la reconnaissance qu’elles méritent, afin de diversifier les représentations et enrichir l’industrie du rap francophone.
La série Déferlantes vous propose de (re)découvrir et mettre la lumière sur des artistes qui façonnent le paysage rap d’aujourd’hui et de demain.
Douze Déluge
Crédits : @_occulte
Tempête, pluie torrentielle, cataclysme, autant de précipitations naturelles qui caractérisent le déluge. Avec son projet MCRCLMT, sorti en décembre 2023, Douze Déluge émerge comme une force incontournable de la scène rap francophone. Cinq titres calibrés au travers desquels elle nous annonce un microclimat, à l’image de son identité artistique affirmée et son indépendance créative qui accrochent inévitablement.
Avec des instrumentales chargées d’une énergie sombre et son phrasé brut et chuchoté, Douze Déluge pose comme si elle nous parlait doucement mais avec assurance, tout en nous captivant et nous embarquant dans son monde intérieur. Pleine de puissance et d’ambition, elle nous trouble et nous remue par ses paroles incisives, tranchantes, guerrières : « Tu m’as pris pour Bambi mais je pull up comme Rambo ».
L’expérimentation de nouvelles formes musicales comme ligne de conduite, elle joue avec les barrières et s’émancipe des genres préconçus pour aller toucher une émotion plus authentique et profonde : « T’as perdu ton chemin, t’as gardé le cap » : l’artiste clarifie et impose sa vision au moment même où elle égare ses auditeur·ices, entre beat switches renversants et fluides, comme sur RAF/VLV et variation d’ambiances teintées d’une atmosphère hivernale.
« La démarche c’est que je me démarque » / « Pour prendre le trône je vais soulever le roi » : elle explore avec une aisance déconcertante différents univers, qu’elle fusionne au sein de balades mélodiques qui nous plongent dans ses inspirations. On remarque particulièrement la collaboration métallique avec Ambrose & Labri, ou des singles plus tournés vers des sonorités mêlant 2-step et techno comme le merveilleux WATANABE.
Le 16 février, elle nous a dévoilé ANIMA, un deux titres tout frais avec Tenma à la composition. Deux sons qui se complètent comme un joli oxymore, Grave et Puffer – les deux construits à partir d’un piano harmonieux et mystérieux. 2024, c’est pour elle ! On reste connecté·es et on vous conseille de faire de même.
“ Tu m’as pris pour Bambi mais je pull up comme Rambo ”
Timéa
Crédits : @lilly.liaz
“ Ils ont des idées mais c’est toutes les mêmes ”
Timéa trace son chemin et sillonne sa jolie route musicale depuis 2020. Arrivée sur nos ondes en posant en anglais au sein de son premier EP tout doux, Mellow Call, elle y révèle sa superbe voix avec laquelle elle joue tel un bel instrument protéiforme. On prend le temps de la découvrir au travers de six chansons, où elle se distingue avec un flow principalement chanté, tirant vers des sonorités posées, allant du RnB - comme sur Lullabye of wishes -, à la House/pop sur Us en passant par le Cool jazz sur My Boy.
En 2021, elle passe au français sur son projet Moro, accompagnée du compositeur roolio. Une couleur plus sombre, plus trap, est donnée à la proposition. Timéa continue d’explorer l’hybridité de sa voix en touchant diverses émotions, allant du grave à l’aigu, du léger au nostalgique. Cette année-là, on l’entend aussi sur la tape Tambora de 1863 où elle apporte douceur et romantisme au projet, glissant sur une prod lumineuse signée Alkakris, Tresor.
2022 est l’année de la confirmation pour elle : elle opère un tournant en nous offrant son troisième projet, Chrysalis, sur lequel elle prend aussi la charge de la composition et la production de plusieurs de titres, en plus de l’interprétation et de l’écriture. On y retrouve un featuring avec Kay The Prodigy et un autre avec Pollux. Sur cet opus, elle affirme sa direction artistique et déploie son potentiel de fantaisie et d’invention. Erigée en être féérique sur le visuel de la pochette, elle nous jette un sort et nous transporte dans la magie de ses différents cosmos.
Son dernier EP datant d’octobre 2023, Loin du Vrai Proche du Merveilleux, nous annonce une tendance plus froide et incisive, tout en conservant la légèreté qui la caractérise. “Ils ont des idées mais c’est toutes les mêmes”. Timéa nous propose des instrumentales d’autant plus hybrides qu’on n’a pas l’habitude de se prendre. Quatre titres qui sonnent comme un vrai voyage auditif et sensoriel, au-delà des frontières des genres.
Ici, on se passe en boucle Honey ou encore Do U want me?!, avec son autotune délicieusement douce qui nous englobe dans un joli nuage de romance désabusée sous fond de jersey. Pour 2024, on reste à l’affut et on a hâte de continuer à suivre son évolution !
OSO
Crédits : @laura.hrv
“ Ils font pas attention aux détails, faudrait combiner l’art et la manière ”
Une voix feutrée et un ego-trip conscient emprunt d’images fortes, des paroles percutantes sur des productions hybrides mêlant des influences trap, rage, aériennes et hyper-pop : voilà les éléments qui font d’OSO ce qu’elle est aujourd’hui. C’est son rapport au monde et aux relations qu’elle livre dans ses textes, de manière désabusée, nonchalante et parfois ironique. Un personnage extravagant mais pourtant discret, créant son univers hors du temps.
Découverte en 2021 avec Boulot, une reprise d’Isha dans laquelle elle incorpore son texte, elle reprend ses mots : « en vrai j’aime la lumière mais je préfère quand c’est plus sombre ». Depuis, elle n’a cessé de nous convaincre. Avec une plume affutée et subtile, elle nous transporte au travers de ses expériences amoureuses et son mode de vie guidé par l'ambition et sa passion pour la musique.
Habituée aux singles ou aux deux titres de qualité, elle envoie son premier EP osowhereRu ? en octobre 2023 : « Combien de classiques encore avant que d’ici on s’en sorte ? Mes rimes je les garde comme un trésor ». Bien qu’elle indique à travers ce titre de projet qu’elle continue à se chercher dans un monde qui parfois la perd, il nous semble pourtant qu’elle s’est trouvée dans un univers musical qu’elle a construit de toute pièce : solide, énergique et mélancolique. Elle est entrée et s’est installée dans le paysage avec cette voix, légèrement cassée, qui reste indéniablement dans les mémoires et les cœurs. Elle finit ce 6 titres sur À l’aise, une chanson tournée vers des sonorités plus électroniques : « maintenant j’suis à l’aise ».
Elle s’est récemment produite dans un FGO Barbara complet lors des Qualité Awards (aux côtés de 8ruki, Edge, Ambrose, Labri, Furlax…) organisées par Newtone, mais aussi à La Place aux côtés de GEN et IPNDEGO.
« J’accélère ». Sur L.A, son dernier titre sorti, OSO nous prévient. Elle appuie sur l’embrayage et arrive bien fort pour 2024 !
Découvrez le meilleur des artistes de la série
Déferlantes dans une playlist créée sur mesure !
Article écrit par CarollSuzan