La Bohème de Beeby : une discographie qui se perfectionne

Crédits : @antoineduchamp

À l’image de sa discographie, chaque projet de Beeby semble capturer une étape de sa vie et refléter son état d’esprit, et La Bohème n’y fait pas exception. Ce projet contraste avec l’intensité de Un grand cœur dans un monde de fils de pute ou encore l’univers introspectif de Gaïa, paru en 2022.

Présent sur la scène musicale depuis plusieurs années, que ce soit en solo ou en groupe, Beeby incarne l’artiste indépendant en constante évolution. Ses premiers projets, sortis en 2017 et 2018, bien que parfois encore maladroits, révélaient déjà un potentiel certain grâce à des flows sincères et mélancoliques. Avec La Bohème, son univers a gagné en maturité, dévoilant un artiste plus affirmé et davantage maître de son art.

Un peu plus d’un an après son dernier projet, Beeby aka le $aigneur est venu clôturer l’année musicale 2024 avec La Bohème, un album aussi frais qu’éclectique. Fidèle à son approche artistique, Beeby continue de surprendre avec une œuvre qui s’inscrit dans une continuité évolutive.

L’album s’ouvre avec Le cycle éternel, une introduction captivante qui donne immédiatement le ton. Porté par une production envoûtante et samplée, proche de nous faire basculer dans la mélancolie, Beeby reste déterminé. Son flow incisif nous exhorte à ne jamais baisser les bras. Ce message d’espoir imprègne l’ensemble du projet, en net contraste avec son précédent EP, où l’artiste semblait davantage submergé par un sentiment d’impuissance.

« Quand j’parle au ciel, j’dis merci poto, j’dis pas à l’aide »

Dès le deuxième titre, Scarlaznavour, Beeby démontre qu’il est un artiste audacieux. Le morceau débute avec un flow percutant avant de basculer vers des sonorités électro et afro-caribéennes, déconcertantes mais terriblement efficaces. Ce twist surprenant n’est qu’un des nombreux beat switches qui jalonnent l’album, à l’image de celui qui introduit le couplet de RATU$ sur le très réussi Force et Honneur.

La Bohème ne se limite pas à un message d’espoir ou à des expérimentations sonores. Avant tout, l’album brille par sa musique. Beeby s’entoure d’artistes talentueux tels que Jewel Usain, Double Zulu, Tedax Max, Tômas Fury et, bien sûr, RATU$, qui apportent chacun leur style unique. Ce casting s’appuie sur des productions soigneusement travaillées et variées, sublimées par le talent d’une équipe de producteurs brillants.

Un exemple frappant est Au clair de la liberté, un morceau où les instruments occupent le devant de la scène, évoluant sans paroles pour offrir une expérience musicale immersive. Cette diversité sonore prévient toute monotonie tout au long de l’écoute. Cependant, une critique pourrait être formulée : bien que le flow de Beeby soit maîtrisé, il peut parfois sembler redondant. On aurait aimé le voir chanter davantage pour pleinement exploiter la richesse des productions.

Avec La Bohème, Beeby signe un album mûr et introspectif. Après des années d’expérimentation et de doutes, l’artiste semble plus en phase avec lui-même, prenant le temps de se livrer avec sincérité, revenant sur son passé et ses erreurs.

« Parce qu’en grandissant, je me suis trop laissé guider par la haine »

Cette authenticité rend son œuvre profondément humaine et permet au public de s’identifier à lui. Cette maturité se reflète également dans des choix audacieux, comme sur Mec d’Auber, où Beeby ose sampler le légendaire 93 Hardcore de Tandem. Un geste qu’il n’aurait pas envisagé il y a quelques années, par crainte de manquer de légitimité, comme il l’admet lui-même.

En conclusion, La Bohème s’inscrit dans la lignée évolutive de la discographie de Beeby, témoignant d’un artiste en constante progression. Ce projet abouti, à la fois réfléchi et sincère, donne envie de découvrir jusqu’où cette montée en puissance peut le mener. En attendant, nous pouvons déjà rêver de l’énergie que des morceaux comme Scarlaznavour offriront sur scène. Le $aigneur n’a pas dit son dernier mot.