DOPPELGÄNGER, l’aboutissement du renouveau artistique de Zeu

Crédits : @septesus

Présent sur la scène depuis 2015, d'abord en duo avec Ormaz, puis au sein du groupe Panama Bende, Zeu amorce un tournant artistique en 2020 avec le projet BLACK GATE. Univers sombre, rimes acérées, basses vibrantes et visage masqué, l’artiste introduit un nouveau décor et s’affirme en pionnier de la drill française sous influence boom bap. Le rappeur se distingue par ses textes affûtés et ses instrumentales sombres, dignes de bandes originales de méchants d’animés, le tout servi par une pluralité de flows qu’il consolide à travers une série de projets comme BOSS’S ORDERS et WATERGATE : SCANDAL.

À travers son nouveau projet DOPPELGÄNGER, Zeu nous dévoile la synthèse parfaite d’un univers mûri depuis des années. En collaboration avec les producteurs Epektase, Pandrezz et J’san, l’artiste nous propose un EP de 8 titres soignés, brisant la frontière entre la drill et le boom bap, tout en offrant un véritable vent de fraîcheur musicale.

DOPPELGÄNGER incarne la synthèse des cinq dernières années de l’artiste. Cet EP de 8 titres, produit en collaboration avec Epektase, Pandrezz et J’san, condense brillamment le talent de Zeu.

BIONIC, premier morceau du projet, donne parfaitement le ton. L’introduction aux accents boom bap déroute agréablement, avant qu’un beat switch ne réintroduise les sonorités drill auxquelles nous sommes habitués. DOPPELGÄNGER, c’est précisément cela : un mélange subtil entre boom bap et drill, moderne et juste, comme si le passé de Zeu resurgissait pour fusionner avec cette nouvelle ère. Contrairement à ses précédents projets, où il semblait vouloir rompre avec ses racines, Zeu les embrasse ici, jouant avec elles pour livrer une œuvre fraîche et surprenante.

Alors que WATERGATE avait pu être critiqué pour sa répétitivité, DOPPELGÄNGER se montre bien plus diversifié. Les morceaux boom bap (RASPADORI, ROI DES ROIS, etc.) se mêlent harmonieusement à des morceaux Drill ou Hoodtrap comme CRACK AUDIBLE, autorisant une variation de flows plus captivante, allant jusqu’au chant sur l’excellent BIRKIN RUNTZ.

Les instrumentales, quant à elles, ne sont pas en reste. Elles gagnent en richesse et organicité, intégrant des instruments variés comme la guitare électrique, le violon, les tambours, la trompette ou encore le piano. Cette approche se manifeste notamment dans les remarquables DOPPELGÄNGER et DEAGLE POURPRE, où chaque transition surprend et rend chaque morceau moins générique.

Enfin, les textes de Zeu restent toujours aussi percutants. Le lexique de la drill s’entremêle parfaitement à la production boom bap, créant un univers sombre et incisif, rythmé par des rimes marquantes et des références variées (Albator, Hunter x Hunter, Beherit, etc.). Dans un rap parfois accusé de perdre son engagement, Zeu n’hésite pas à faire passer des messages forts : « Faut mettre une b**** sous le siège d’BFM », « Forza Youth Ruthless et Forza Palestine. Et pour les putes qui votent des ****, bitch, on a pas d'estime ». Cependant, l’utilisation fréquente du lexique de la drill engendre parfois une certaine redondance, limitant la profondeur émotionnelle des textes. Le personnage de Zeu reste ainsi distant, empêchant l’auditeur de s’identifier pleinement et de se connecter plus intimement avec l’artiste.

Quoi qu’il en soit, si vous souhaitez découvrir ou redécouvrir Zeu, ce projet est incontournable. Il résume avec brio ce que l’artiste a construit depuis des années. Avec Epektase, Pandrezz et J’san, Zeu offre une œuvre sincère, loin des clichés souvent associés au rap commercial : « Aucune certif dans ce show business, je m’en fous d’avoir le flow qu’ils aiment. »

Après 18 minutes plongé dans cet univers, on ne peut que regretter une chose : la brièveté du projet. C’est si bon qu’on en veut encore davantage.