Entretien avec Lovarran
Crédit : @nelpihugo
Originaire de Clermont-Ferrand, Lovarran s’est rapidement affirmé comme une voix incontournable de la scène underground. À l’occasion de la sortie de son nouveau projet Cascade, nous nous sommes entretenus avec lui pour discuter de ses inspirations, de son processus créatif et de la belle réception de son travail par un public en pleine expansion.
Salut Lovarran, comment ça va depuis la sortie de ton nouveau projet Cascade ?
Je vais très bien, et je suis vraiment soulagé d’avoir enfin sorti ce projet. C’est un soulagement auquel je ne m'attendais pas totalement, d’autant que ça faisait longtemps que le projet était prêt et que l'on savait qu'il allait sortir. Avec le temps, l’attente s’était un peu estompée, mais au moment de la sortie, j’ai ressenti comme une grande bouffée d’air frais. Je ne réalisais pas à quel point cela allait me faire du bien.
Tu as eu de bons retours sur le projet ?
Les retours du public depuis la sortie sont incroyables, autant de la part de mes fans que des nouvelles personnes qui découvrent mon travail. Ce projet visait justement à toucher un public plus large, et ça fonctionne : de nouvelles personnes l'accueillent très positivement, ce qui est vraiment encourageant. En fin de compte, c’est comme si on avait réussi à parler à tout le monde, à différents coins de la scène. Et franchement, on peut dire que le pari est réussi.
“ Mon objectif était de créer un projet à la fois limpide et dynamique, comme une cascade : l’eau est transparente mais en perpétuel mouvement,
donc elle garde une part de mystère ”
Qu’est-ce que Cascade représente pour toi ? Quel est le symbole derrière ce nom de projet ?
À l’origine, j’avais même envisagé un sous-titre : “Mouvement et Transparence”. C’était vraiment le thème central que je voulais explorer. Le mouvement et la transparence, c’est une métaphore que l’on peut traduire rapologiquement par le flow et l’authenticité. Mon objectif était de créer un projet à la fois limpide et dynamique, comme une cascade : l’eau est transparente mais en perpétuel mouvement, donc elle garde une part de mystère.
Finalement, on a choisi de garder simplement Cascade comme titre, pour que chacun puisse se faire sa propre idée. C’est aussi ce que j’aime en tant qu’auditeur : un titre qui laisse de la place à l’imaginaire. Cette approche correspond bien à mon univers, où le contraste est souvent central, entre noir et blanc, entre clarté et mouvement. J’avais d’ailleurs noté ces mots-clés dès les premières étapes de création, avant même d’écrire les morceaux.
Au fur et à mesure que le projet avançait, Cascade s’est imposé naturellement. C’était le titre qui me revenait sans cesse, qui me restait en tête chaque jour. À un moment donné, j’ai su que c’était le bon choix et que je n’allais plus revenir dessus. C’est comme si le titre faisait déjà partie du projet.
Pour en arriver là, j’avais fait beaucoup de recherches en amont, en notant des idées de titres, des concepts, même des rêves.
On sait que tu es un artiste très productif. Depuis combien de temps travailles-tu sur ce projet ? Quel est ton processus créatif lorsque tu conçois un projet, en particulier celui-ci ?
Ce projet m'a pris six à sept mois de travail, c’est la plus longue période que je n’ai jamais consacré à une création personnelle. J’avais déjà travaillé longtemps sur un album collaboratif, Ils Me Manquent Mes Rêves, avec unfamouslouie, mais c’était un processus à deux. Là, c’était différent : tout reposait sur ma propre vision et la cohérence que je voulais lui donner.
Au départ, j'avais déjà une sélection de 15 à 20 prods que je gardais depuis des mois, certaines depuis presque un an. J'aime bien procéder ainsi, en me constituant des playlists de prods pour différents projets potentiels. Pour celui-ci, j'avais en tête un cadre thématique qui tournait autour de l’idée d’une journée, une sorte de chronologie avec des étapes : matin, midi, soir, nuit. Cela m’a permis de structurer les morceaux sans chercher à raconter une histoire, juste pour donner une certaine cohérence énergétique au projet. J'ai donc choisi neuf prods et les ai placées dans un ordre précis, chacune représentant un moment de la journée.
J’ai commencé en mars-avril, en pensant sortir un projet d’été, plus chaleureux, avec des sonorités jazz et soul. Mais plus j'avançais, plus je réalisais que j’avais envie de dépasser le concept d’un projet "capsule" pour aller vers quelque chose de plus abouti. Cela m’a poussé à explorer des prods plus introspectives, notamment celles des gars de Highonsoda : Anyo, Louis Delisle, Birdschipinn et Sevenvx, qui ont contribué sur cinq morceaux au total. Leur travail, souvent au piano et dans une ambiance contemplative, correspondait bien à la sensibilité plus froide et atmosphérique que je voulais pour ce projet.
Après avoir organisé les morceaux et écrit dans cet ordre précis, j'ai ajouté un dernier titre : 2 Dents, en collaboration avec STM. C'était un ajout stratégique pour donner un peu de punch au projet, un banger en contraste avec l’aspect majoritairement atmosphérique des autres titres. Avec ce morceau, le projet comptait dix titres. Il était enfin complet.
Ensuite, j'ai travaillé de près sur le mixage et les arrangements avec Romain Milcent, puis sur le mastering avec Romain Dupont. J'étais présent pour la majorité des sessions de mixage et d’arrangement, car je tenais à porter ce projet le plus loin possible. Ce processus, structuré par étapes claires – sélection des prods, définition du concept, écriture, enregistrement, mixage, et mastering – a été une première pour moi. Travailler de manière aussi cadencée, dans un studio et avec une équipe, a vraiment donné une dimension unique à ce projet.
Durant ces sept mois entièrement dédiés au projet, y a-t-il eu des moments où tu as réussi à prendre du recul et à te consacrer à autre chose ?
Oui, c’était vraiment important pour moi de m’éloigner du projet de temps en temps, et j’y arrivais principalement en faisant des prods. Dans ma réflexion, c’était la suite logique pour aller plus loin dans ce que je veux apporter en tant qu’artiste. Produire me permet de faire de la musique sans nécessairement y intégrer une part trop personnelle, comme c’est souvent le cas avec l’écriture.
Alors, je me suis lancé sérieusement dans la production. Ça fait sept ans que je suis sur FL Studio à bosser avec mes gars, donc je connais bien les bases : placer les hi-hats, caler les snares, accorder les 808 avec les accords de piano… C’est aussi un moyen de décompresser. À part ça, je faisais quelques morceaux de temps à autre, mais c’est la première fois que j’en ai produit aussi peu pendant une période de création. Ça m’a fait du bien de ralentir et de me concentrer.
Honnêtement, je pensais au projet presque tout le temps. Je ne sais pas combien de fois j’ai écouté Cascade avant sa sortie, mais c’est indécent ! Rien que pour le mastering, je l’ai réécouté au moins 60 fois, et pour le mixage, encore plus.
Dans Cascade, on ressent une énergie planante, voire nostalgique, souvent portée par des accords de piano. Est-ce que c’était une intention délibérée de créer cette ambiance ?
Je ne sais pas si c’est par facilité ou parce que je veux miser sur mes points forts, mais je me rends compte que le résultat est fluide. Quand je pose ma voix sur des prods au piano, que le morceau soit lumineux ou sombre, ça marche vraiment bien avec mon flow et les idées qui me viennent. Une prod minimaliste, juste des drums et un piano, peut suffire pour créer quelque chose de fort.
C’est drôle, car ce n’est qu’après avoir finalisé les dix morceaux et les avoir fait écouter à mes proches qu’ils m’ont fait remarquer qu’il y avait du piano sur chaque titre. Je n’avais presque pas réalisé ! Je leur disais : “Non, pas sur I Wanna See The Beach…” et ils me répondaient : “Si, écoute bien, là aussi, c’est un piano.”
Ce choix de prod, c’était une évidence pour moi, quelque chose de très personnel et instinctif. Je pense qu’il illustre bien cet aspect à fleur de peau de ma musique, un côté qu’on ne retrouve pas tant que ça dans le rap. Mon objectif était de créer un projet qui non seulement me plaise, mais surtout me ressemble. Je voulais qu’on puisse écouter ce projet et se dire : “Ça, c’est du Lovarran.”
Lors de la listening party, c’était la première fois que je pouvais faire écouter mes morceaux à des gens qui ne me connaissaient pas, en leur expliquant mon univers, sans avoir besoin d’en dire trop. En écoutant, on comprend les messages de manière assez claire, bien plus que dans mes projets précédents. La transparence dont je parlais, c’est aussi cela, et elle est au cœur de cet album.
Dernièrement, tu as sorti pas mal de projets, notamment en collaboration avec des producteurs comme 528ron ou Unfamouslouie. D’où te vient cette envie de co-construire des projets en duo avec des compositeurs ?
Depuis le début, pour moi, les prods représentent au moins 50% de ce que je veux transmettre dans ma musique. C’est bien de rapper, mais si tu te contentes de poser sur des instrus répétitives, ça tourne vite en rond. Très vite, j’ai donc cherché à collaborer avec des beatmakers ouverts à des sonorités nouvelles, et ça s’est souvent fait de manière très organique. D’ailleurs, mon tout premier collaborateur a été mon petit frère, Kams. Ensuite, j’ai rencontré S11, qui a une approche unique, presque cinématographique dans sa façon de construire ses sons – c’est du sound design à grande échelle, idéal pour raconter des histoires. On a d’ailleurs fait un projet ensemble, hors des sentiers battus.
Mais c’est vraiment avec 528ron que j’ai eu mon premier déclic artistique. Il m’a ouvert à des sonorités plus aériennes et m’a fait prendre conscience de l’importance de valoriser les beatmakers. C’est un peu dans l’air du temps, notamment aux États-Unis, où des producteurs lancent des mixtapes et des EP collaboratifs avec des artistes. Ce genre d'initiative reste rare en France.
Ma collaboration avec 528ron a aussi créé des connexions : ça m’a amené sur des scènes à Paris, où j’ai pu rencontrer d’autres rappeurs, ingénieurs du son, et producteurs. Chaque nouvelle collaboration a été une vraie rencontre humaine, souvent avec des artistes qui possèdent une sensibilité bien marquée, ce qui rend difficile l’idée d’un projet où tout le monde serait réuni. En 2022, j’ai tout de même fait South Park, un album de 16 titres avec 20 beatmakers, où chacun a apporté sa touche pour un projet résolument éclectique, comme une carte de visite.
En tout cas, ce sont des collaborations nombreuses et riches, avec des influences et des styles diversifiés qui alimentent continuellement mon univers musical.
Est-ce que ta manière de bosser est différente sur un projet solo comme Cascade ?
Toutes les rencontres avec différents compositeurs m'ont permis, pour Cascade, de bien choisir les collaborateurs qui correspondaient exactement à la couleur que je voulais. Je savais déjà vers qui me tourner pour obtenir un son plus chaud ou plus texturé selon l'orientation du projet. Pour Cascade, j'ai réussi à réunir une solide équipe de neuf beatmakers, avec pas mal de co-productions. Cela m’a permis de garder cette dynamique où je reçois des prods en lot, et je fais ensuite mes choix dans ce qui m’est envoyé.
Cependant, j’aimerais que ce soit l’un des derniers projets fonctionnant ainsi, où je me contente de sélectionner des prods dans ma boîte mail. Désormais, je veux me concentrer sur des morceaux créés de zéro, en travaillant en collaboration avec les compositeurs dès le début pour échanger sur les idées et composer ensemble. Aujourd'hui, j'ai le luxe de ne plus être obligé de sortir des morceaux à toute vitesse, et ça me permet de prendre plus de temps pour vraiment peaufiner chaque projet. L’idée, c’est de produire des titres qui marquent plus dans le temps, de ralentir le rythme pour aboutir à une musique qu’on peut savourer, partager en concert, et qui possède une énergie durable et sincère.
Sur Cascade, j’ai déjà pu retrouver un peu de cette énergie-là, même si je sais que j’ai encore des étapes à franchir pour atteindre pleinement ce que je cherche. C’est un peu un nouveau départ pour moi, où j’apprends à travailler avec plus de recul, à concevoir mes projets en profondeur et même à renoncer à certaines idées si elles ne s’intègrent pas parfaitement à la vision que j’ai.
En parlant des productions, il y a plusieurs compositeurs différents sur ce nouveau projet. Certains avec qui tu as déjà travaillé, comme STM (ShootTheMoon) ou MIN ACE, mais aussi de nouveaux visages de la scène underground comme Guy Delafonsdal ou anyo. Comment choisis-tu les producteurs avec qui tu travailles ?
C’est vraiment dans la rencontre humaine que tout se joue pour moi. Par exemple, Kams, c’est mon petit frère, et 528, notre collaboration a commencé par un échange amical avant même qu’on pense à travailler ensemble. Xo et unfamouslouie viennent également de Clermont, et c’est là que nous avons tissé nos liens. S11, quant à lui, a débarqué à Clermont, et c’est en se croisant qu’on a commencé à collaborer.
J’ai besoin de cette connexion humaine pour avancer dans mon travail. Plus ma carrière progresse, plus je gagne en visibilité, et par conséquent, j’attire des beatmakers qui souhaitent collaborer. Pendant les périodes de pic d’audience de DESDB, je recevais parfois jusqu'à 100 prods par jour. C’est fou, car je suis curieux et je respecte chaque envoi, donc j’essaie d’écouter tout ce que je reçois, même si ça devient vite envahissant.
“ Si je devais choisir un morceau en particulier, ce serait J'ai vu. C'est un vrai coup de cœur, car il sort un peu du cadre habituel et a une beauté intemporelle, presque
poétique ”
Quel est ton titre préféré sur ce projet, et pourquoi ?
Pour commencer, c’est sans aucun doute mon projet préféré, le plus personnel et le plus abouti. C’est celui où j’ai vraiment poussé le travail en profondeur pour qu’il reflète exactement ce que je voulais exprimer. À tous les niveaux, c’est le plus peaufiné, le plus maîtrisé, et je prends un vrai plaisir à l’écouter. Non seulement sur le fond de ce que je dis, mais aussi dans les intonations, tout s’articule de façon fluide, même pour moi.
Si je devais choisir un morceau en particulier, ce serait J'ai vu. C'est un vrai coup de cœur, car il sort un peu du cadre habituel et a une beauté intemporelle, presque poétique. Il incarne vraiment bien l’esprit du projet, comme une carte postale hors du temps. Malgré moi, par exemple, m’a demandé beaucoup de travail pour trouver l'équilibre parfait dans le mix et le master. Avec ses deux basses et sa mélodie plus chargée, il fallait que l’ensemble reste harmonieux tout en gardant un impact fort. On a passé un temps fou sur ce morceau, et au dernier moment, j'ai trouvé une nouvelle approche pour les voix, et ça a tout changé : il a vraiment pris une autre dimension. Aujourd’hui, je prends plaisir à l'interpréter en live.
Il y a aussi 2 dents que j’apprécie beaucoup, surtout pour les ambiances plus sombres en live où il crée une atmosphère forte. Au final, chaque titre apporte une nuance à l’ensemble, mais J'ai vu reste pour moi le plus représentatif du projet et de l’univers que je voulais transmettre.
Tu as eu l’occasion d’inviter Valee sur l’incroyable titre Souvenirs. Comment s’est faite cette connexion ?
Franchement, le morceau avec Valee, c’est vraiment le titre "bonbon" pour moi, un peu comme une madeleine de Proust. Je suis fan de lui depuis 2016, il m'a mis une claque dès la première écoute, et depuis, j’ai tout poncé, chaque projet, chaque sortie. Avec mon entourage – mes gars, mes managers, mes producteurs – on s’est dit que ce serait vraiment top d’avoir un feat marquant sur cet album, autant pour le plaisir que pour capter l’attention.
Le challenge, c’est que j’ai un peu de mal avec le rap français, donc c’était difficile de trouver quelqu’un avec qui je sentirais une vraie connexion, pas juste un feat de surface. J’avais pensé à Baby Neelou, mais on venait de bosser ensemble, alors je me suis tourné vers Valee. On avait échangé quelques messages sur Instagram après que je l’aie identifié en story plusieurs fois. J’ai décidé de lui proposer le feat, sans trop y croire, mais il a répondu direct, ultra ouvert à l’idée !
J’avais déjà la prod en tête pour lui, même si le morceau n’était pas encore totalement écrit. Il m’a confirmé que ça lui parlait, et en studio, j’ai bossé le son dans la foulée. La connexion s’est aussi faite naturellement grâce au 386Lab, le label et studio avec qui on a co-produit l’album, et qui avait déjà collaboré avec Valee sur un autre projet. Ça a rendu tout plus accessible, à la fois humainement et financièrement. Une fois que j'ai posé le refrain et mon couplet, je lui ai envoyé, et il a ajouté le sien : le résultat final était fluide, comme si ça allait de soi.
Travailler avec lui a influencé tout le projet, notamment le mix. Quand on a reçu son couplet et qu’on a vu comment il traitait ses fréquences et son EQ, ça m’a inspiré. On a testé son approche sur ma voix pour voir si on pouvait capter une ambiance similaire, et ça a super bien fonctionné. Ce n'est pas une révolution, mais un détail subtil qui apporte une vraie cohérence sonore. Au final, ce feat, c’est un coup de cœur, un hommage, et une immense source d’inspiration.
Valee m’a aussi montré qu’on peut collaborer avec des beatmakers très différents, tout en maintenant une cohérence dans le son. Il arrive à proposer une variété de styles sans jamais se perdre, et pour moi, c’est un modèle d’ouverture et de créativité.
Est-ce qu’il y a d’autres artistes, francophones ou non, avec qui tu aimerais collaborer sur un prochain projet ?
En ce qui concerne les beatmakers et les compositeurs, je reste toujours très ouvert. Pour moi, la collaboration repose avant tout sur la rencontre humaine. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir un entourage solide de collaborateurs, et je commence à composer de plus en plus par moi-même, donc les connexions se font de manière plus naturelle, sans forcément passer par le réseau.
Cela dit, je suis amené à rencontrer de plus en plus de personnes, même si je ne me retrouve pas toujours musicalement dans la scène francophone, ce qui peut créer un peu de frustration. Il y a beaucoup d’artistes en France avec qui je partage les mêmes rêves et des liens humains forts. Mais parfois, musicalement, ça ne match pas, que ce soit au niveau des thèmes ou des productions. Cela peut me bloquer pour collaborer ou même pour écouter personnellement. Par contre, je reste ouvert aux rencontres qui peuvent parfois surprendre. Par exemple, récemment, j’ai bossé avec Realo : ce n’était pas un artiste que je suivais assidûment, mais quelques-uns de ses morceaux m’avaient marqué. On s’est retrouvés en studio par hasard, on a fait une prod ensemble, posé dessus, et la connexion était incroyable.
C’est ce que je recherche dans la musique : la spontanéité des rencontres, créer du son ensemble. Donc, je suis toujours partant pour ce type de collaboration humaine, qui peut m’emmener sur des terrains inattendus. Quant à la scène américaine, même si j’écoute énormément de rap US, je me projette moins là-dessus. Les réalités de vie entre la France et les États-Unis sont souvent très différentes. Beaucoup d’artistes US vivent littéralement ce qu’ils racontent dans leurs morceaux, et ce sont des expériences souvent très dures qui ne correspondent pas à ce que j’ai envie d’exprimer. Je préfère collaborer avec des artistes avec qui je partage des réalités et des valeurs similaires.
En revanche, j’adorerais rencontrer davantage de musiciens, de compositeurs, que ce soit des pianistes, des guitaristes, peu importe. Pour moi, un feat est quelque chose de rare et précieux. Si l'intérêt musical n'est pas immense, je préfère m'entourer de musiciens et explorer de nouvelles textures musicales. D’ailleurs, en ce moment, je bosse beaucoup avec Myth Syzer ; on a même teasé un morceau à la Maroquinerie avec Baby Neelou. Il y a une belle énergie qui se dégage de cette collaboration : des artistes passionnés, sans prétention, mais sérieux dans ce qu’ils font.
Je trouve qu’il y a un vrai manque d’unité en France. Ça commence à émerger, mais souvent, les gens sont trop dans l’auto-critique, trop influencés par l’image ou le filtre.
J’ai beaucoup de respect pour les beatmakers qui m’inspirent, comme Syzer ou Brodinski. Ils font partie de cette génération juste au-dessus de la mienne, et même après toutes ces années, ils sont toujours aussi engagés et passionnés. Ce sont des créateurs pertinents, des “pirates” de la scène musicale, et ils ont tous un vrai truc qui les rend uniques.
“ Pour moi, la scène, c’est vraiment mon terrain de jeu, presque un sport. Là, je deviens une toute autre version de moi-même, un peu comme une bête qui se réveille ”
Et du coup, tu as récemment fait des scènes avec Baby Neelou. Plusieurs premières parties. Est-ce qu'on a l'occasion de te retrouver sur scène bientôt ? Ou alors, comment t'as vécu ces scènes-là ? Est-ce que la scène, c'est un truc que tu kiffes ?
Absolument ! Venez me voir sur scène, je suis bien moins calme que ce que je peux paraître ici ! Les premières parties avec Neelou ont été incroyables, car musicalement, on est assez proches, et humainement, il y a une super entente entre nous. Travailler avec son équipe est un vrai plaisir, d’autant qu’on a les mêmes managers, donc tout s’enchaîne naturellement.
Pour moi, la scène, c’est vraiment mon terrain de jeu, presque un sport. Là, je deviens une toute autre version de moi-même, un peu comme une bête qui se réveille. C’est une énergie intense, et la maîtrise de cette énergie est essentielle pour éviter que ça ne devienne trop exagéré. Mon but, c’est de trouver l'équilibre parfait entre la musique que je crée en studio et l'énergie que je donne sur scène. Pour moi, c’est une récompense de pouvoir faire vivre les morceaux de cette manière. Je m’efforce toujours de maintenir une cohérence entre le studio et le live, même si j’adore les deux univers.
En studio, j’enregistre souvent avec une voix assez posée. Mais en live, c’est l’inverse : je me donne à fond. Il y a des morceaux où la prod est déjà tellement puissante qu’il n’est même pas nécessaire de forcer sur le flow ; juste en étant à fond dans l’énergie, ça crée un impact direct avec le public. Ce que j’aime, c’est de combiner cette puissance de la prod avec une présence scénique qui frappe, en donnant le maximum de ma personne.
Pour ce qui est de Paris, j’aimerais vraiment y faire un concert. J’avais d’abord pensé à une release party, mais finalement, je préfère l’idée d’un vrai show. Pas besoin de se précipiter : le projet n’est pas fait pour être consommé dans la semaine qui suit. Je préfère prendre le temps de faire quelque chose de vraiment abouti. Une fois que je lance cette première date, je ne vais pas en enchaîner des dizaines immédiatement, alors autant que ce soit mémorable.
Quelles sont tes inspirations, que ce soit musicalement ou en dehors ?
D’abord, parlons des influences qui me tiennent à cœur, en commençant par les artistes que j'ai écoutés le plus longtemps. Wu-Tang Clan, Gainsbourg, Daft Punk, Gorillaz, et un groupe moins connu mais que j’adore : Pinback. Ce groupe a commencé dans le métal avant de se réorienter vers un projet pop-rock indépendant à deux voix. Leur technique vocale et instrumentale est impressionnante. J’ai aussi écouté énormément de reggae, de roots, de blues, et de jazz, qui m’inspirent vraiment. Le rock et le punk-rock des années 60-70, comme les Beatles, les Stones et les Doors, sont également des classiques qui ont marqué mon parcours musical.Mes parents ont joué un rôle clé dans cette diversité musicale. J’ai eu la chance de grandir dans un environnement où j’ai eu accès à tout cela.
En ce qui concerne le rap, des artistes comme Asap Rocky, Earl Sweatshirt, Kodak Black et Valee ont eu un impact fort sur moi.
À côté de la musique, je suis passionné de cinéma, même si je ne m'y plonge pas autant que je le voudrais. J’ai accumulé beaucoup de références, mais il reste tant à découvrir. J’aimerais vraiment m’impliquer dans le cinéma à l'avenir, que ce soit en tant que réalisateur ou acteur. J’ai commencé par faire du théâtre quand j’étais petit, écrivant même de la poésie sans que mes parents ne s'en rendent compte. Ils ont découvert des cahiers remplis de mes écrits. J'ai été sur scène dès mon plus jeune âge, ce qui m’a profondément marqué. J’adore cet univers, et je me projette beaucoup dans ces arts. Cela dit, le chemin vers le cinéma demande des moyens, du temps, et de nombreuses rencontres. C’est un parcours sérieux, tout comme la musique, où avoir un bon entourage est essentiel. Le cinéma m'inspire énormément, car il réunit jeu, peinture, théâtre et musique, créant un art total qui me passionne.
Pour finir, chez tide, on aime digger de nouveaux artistes. As-tu un newcomer à nous conseiller ?
Il y a des artistes que j’admire beaucoup, même s'ils sont assez lowkeys. Récemment, j'ai découvert un mec de New Détroit qui s'appelle Lelo. Il me semble peu connu, mais je trouve son travail vraiment solide.
Il n'est pas du tout un novice dans le milieu, mais dans un autre registre, il y a Moh Barretta qui est plus associé à la scène Surf Gang, tout comme RealYungPhil. Je pense que ce sont des artistes très talentueux qui méritent d'être reconnus.
Il y a aussi des artistes qui peuvent sembler être des newcomers, mais en réalité, ils ont une longue carrière. Parfois, tu découvres qu’ils ont passé plusieurs années en prison, et avant ça, ils avaient déjà sorti une multitude de mixtapes. Ça montre à quel point le parcours de certains artistes peut être complexe et méconnu.
Crédit : @nelpihugo
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. En tous cas, on a hâte de voir la suite et surtout de découvrir le projet en live !
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